" Tout est faux avec la photo.
La photographie, dès ses débuts, avait peur d’elle-même, essayant de ressembler à la peinture qui était la vérité d’avant, la seule représentation du monde, jusqu’au 19eme siècle. A travers le mouvement pictorialiste de cette époque, la photographie a essayé, en dégradant son image, de retrouver ce flou créé par la brosse du peintre.
Plus tard, au début du 20 ème siècle, les surréalistes n’ont pas cherché à utiliser la pseudo objectivité de la photographie, mais la poésie, la création pure, s’amusant du monde réel.
Il n’est que les reporters, la presse et certains livres d’histoire, qui ont tenté par la photographie de nous faire croire à une vérité unique. On a vu avec le temps que cette vérité était bien illusoire, les personnages apparaissant et disparaissant au gré des nécessités des messages à diffuser.
L’apparition de la couleur a creusé le fossé entre le réel et ce que l’on voit avec ses propres yeux. Puis l’ère du numérique a achevé d’accentuer cette ambiguïté entre le réel, le vécu et l’imaginaire.
Or les historiens nous ont appris avec le recul que plus nous disposons d’informations, plus la subtilité de l’analyse est complexe. Plus le point de vue d’où l’on se place pour la découvrir, peut changer la perception.
Les photographes savent qu’un groupe de personnes photographié de prés et au grand angle peut devenir une foule, alors que vu de loin, ce ne sont que quelques silhouettes.
Le collectif français de photographes « Tendance Floue » est convaincu de cet entre-deux de la photographie et l’a affirmé en choisissant son nom de baptême. Flou dans la mission, tant le monde peut-être regardé de différentes façons, flou par la variété des styles photographiques.
C’est la raison pour laquelle j’ai eu envie de ne travailler qu’avec eux pour montrer qu’à partir d’un seul groupe de photographes, l’interprétation du vrai et du faux en photographie peut prendre des formes très différentes.
En revanche, tout est vrai dans la sincérité de leur démarche, dans la rigueur de leurs approches, dans leur engagement altruiste, depuis 25 ans qu’ils travaillent ensemble et auto-critiquent leurs travaux une fois par semaine.
Ils ont pris très au sérieux cette invitation de Wang Qingsong car lui même a donné une telle ambition dans ses productions qu’il a fait évoluer largement la photographie à l’époque du numérique et de son expression conceptuelle.
Si tout est faux dans la photo, tout est vrai dans la poésie du regard de Tendance Floue sur le monde. "
En son temps, j'avais essayé de le démontrer, en images, dans le message intitulé :